A l’occasion des 25 ans de la loi Evin et d’une nouvelle banalisation/affaiblissement de sa protection, la Fédération Addiction souhaite questionner les conditions d’une régulation efficace des produits et services qui présentent un risque addictif et donc des dangers en terme de santé publique. Ces derniers nécessitent une réglementation de leur usage, accès et diffusion, de manière à assurer la protection des personnes, usager et entourages. Le récent débat autour de la loi Evin illustre la difficulté à poser des bases solides pour éviter que les enjeux économiques ne priment sur la santé des personnes.
Alcool
De la prohibition au libéralisme économique de nos jours, les taux de prévalence actuels et les usages excessifs devraient appeler les responsables politiques à mettre en place des mesures structurelles. Pourtant, une loi qui posait une série de limites protectrices (buvettes des stades, affichage, publicité sur internet) vient d’être mise en échec. La régulation ne se joue plus qu’au niveau local par le biais de décrets municipaux encadrant la vente et la consommation, pris dans un souci de sécurité publique ponctuelle. Même si la récente loi de santé préserve quelques leviers comme les prix minimums pour la vente d’alcool et la sanction de l’incitation au binge drinking, les professionnels de santé s’étonnent de cet encouragement à une mauvaise communication sur l’alcool.
Tabac
Mesure phare du Plan National de Lutte contre la Tabagisme, le paquet neutre a été adopté de justesse dans la loi de santé. Casser l’attrait du paquet de cigarettes aura une incidence sur l’entrée dans le tabagisme, en témoignent les expériences étrangères notamment australienne. Un changement de fiscalité serait également souhaitable, tant on sait que les prix ont un impact direct sur les consommations. Mais le manque de cohérence sur l’e-cigarette, dont la dynamique de réduction des risques a du mal à être reconnue, divise et affaiblit là-encore le mouvement commun.
Jeux d’argent
La loi pour une République numérique, actuellement en lecture à l’Assemblée Nationale, inquiète également les professionnels de santé. Les jeux en ligne, sportifs ou d’argent, peuvent engendrer des comportements addictifs et l’article 42 concernant les compétitions des jeux en ligne invite les acteurs à se mobiliser. En effet, la définition qui y est faite de l’« e-sport » apparait suffisamment large pour laisser la place aux jeux qui intégreraient des enjeux de gain. Une dimension dont on sait qu’elle engendre des comportements excessifs, dont les professionnels de l’addictologie voient dans leurs files actives les conséquences en matière sanitaire et de lien social. A l’instar d’une loi Evin dont la définition a ouvert le champ à toute communication concernant le produit alcool, pour peu qu’il ne se revendique d’un terroir ou d’une culture, ce projet de loi esquisse les déviances d’une pratique qui, une fois encore, profitera aux plus forts (lobbys, industriels) au détriment des plus vulnérables (jeunes notamment).
La cohérence des politiques publiques en matière d’addiction doit de plus en plus être réfléchie au regard de l’enjeu de la régulation. Elles doivent répondre à l’échec des politiques répressives, constaté dans de nombreuses études internationales, tout autant qu’au risque d’une société qui n’en finit plus d’encourager les usages les plus dérégulés.
Penser des mesures qui encadrent avec cohérence, en alliance avec les personnes et leurs familles, aussi bien par des interdits que par l’Intervention Précoce, c’est dans ce sens que les acteurs de notre fédération continueront à se mobiliser.